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La transposition du « Paquet Marques » – Paroles d’experts

Publié le lundi 6 mai 2019
La transposition du « Paquet Marques ». Les secrets d'affaires.

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Laurence Dreyfuss-Bechmann vous proposent les formations :


 

Paroles d’experts : Laurence Dreyfuss-Bechmann et Sophie Hoeffler.

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Laurence Dreyfuss-Bechmann et Sophie Hoeffler, Avocates spécialisées en Droit de la Propriété Intellectuelle du cabinet FIDAL.

Elles nous proposent une analyse sur :
La transposition du « Paquet Marques » : quels impacts pour les titulaires de marques françaises ?

 

Le 16 décembre 2015, le Parlement européen a adopté une Directive (UE) 2015/2436, dite « Paquet Marques », visant à harmoniser et moderniser le droit des marques entre les Etats membres de l’UE. Cette Directive, entrée en vigueur le 23 mars 2016, constitue une réforme majeure du droit des marques sur le plan européen et sur le plan national.

Elle a conduit à l’adoption de deux nouveaux textes législatifs :

  • le Règlement 2015/2424, modifiant les règlements 207/2009/CE et 2868/95/CE, devenu pleinement effectif depuis le 1er octobre 2017 ;
  • la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, modifiant la Directive 2008/95/CE. Cette dernière devait être transposée au sein des législations nationales dans un délai de trois ans, soit avant le 14 janvier 2019.

C’est avec un retard d’un mois que le gouvernement français a publié, le 15 février dernier, le projet de transposition de la Directive « Paquet Marques ».

Soumis à la consultation publique jusqu’au 20 mars 2019, ce projet devrait être publié dans un délai de trois mois, soit au mois de juin prochain.

Cette transposition prochaine, qui concerne l’ensemble des six chapitres du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) relatifs aux marques nationales, est l’occasion de s’interroger sur l’impact du « Paquet Marques » pour les déposants et titulaires de marques françaises.

 

1) Quels sont les signes susceptibles d’être enregistrés et ceux pouvant être refusés à l’enregistrement ?

  • Le projet d’ordonnance de transposition prévoit de supprimer l’exigence de représentation graphique figurant à l’article L.711-1 du CPI.

En effet, en l’état actuel des textes, pour être une marque valable, le signe doit être disponible, distinctif et susceptible de représentation graphique.

A présent, il ne sera plus nécessaire de fournir une représentation graphique du signe. Le signe pourra être enregistré dès lors qu’il peut être représenté sous n’importe quelle forme appropriée (graphique ou non) de manière claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective. Cela devrait permettre l’enregistrement de marques sonores (via un fichier MP3) ou encore de marques multimédia ou en mouvement (via un fichier MP4).

Cette suppression du caractère graphique de la représentation du signe devrait également ouvrir la protection aux marques olfactives et gustatives. Toutefois, en pratique, cela suppose de trouver un moyen suffisamment intelligible, durable, clair et précis pour traduire l’odeur ou le goût que l’on souhaite protéger. Ces représentations nouvelles pourraient être mises en œuvre grâce à des moyens techniques offrant des garanties suffisantes (par exemple par une formule chimique, une description, un échantillon…). Néanmoins, de nombreuses questions se posent encore, notamment quant à l’appréciation de la contrefaçon d’une telle marque olfactive ou gustative. Il n’est ainsi pas évident que la transposition du « Paquet Marques » permette réellement de déposer des marques constituées par une odeur ou un goût.

Les créateurs de parfum, notamment, demeurent dans l’expectative…

  • En outre, il convient de souligner que le projet de transposition introduit une modification de la date de renouvellement d’une marque française (nouvel article R. 712-24 du CPI) : le délai de grâce permettant le renouvellement de la marque postérieurement à sa date d’expiration est réduit.

Actuellement, la marque peut être renouvelée au plus tôt, six mois avant l’expiration et au plus tard, dans les six mois à compter du dernier jour du mois d’expiration.

A présent, la demande de renouvellement pourra intervenir, au plus tôt, un an avant l’expiration de la marque et, au plus tard, dans un délai supplémentaire de six mois à compter du lendemain de l’expiration.

  • Par ailleurs, les motifs de refus à l’enregistrement d’une marque sont élargis.

Désormais, outre les indications géographiques déjà prévues par l’article L.711-4 du CPI, les mentions traditionnelles pour les vins, les spécialités traditionnelles garanties, et les dénominations des variétés végétales – lorsqu’elles sont protégées au niveau national, constituent des antériorités faisant obstacle à la demande d’enregistrement de la marque.

De la même façon, l’ordonnance prévoit d’ajouter, au titre des antériorités, le nom, l’image ou la renommée d’une institution, d’une autorité́ ou d’un organisme de droit public. Actuellement, aux termes de l’article L. 711-4, cette protection est uniquement offerte aux collectivités territoriales.

Enfin, apparaît encore parmi les antériorités excluant l’enregistrement d’un signe, les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant. Cette situation était déjà appréhendée par notre droit, au titre du dépôt frauduleux, mais l’argument du dépôt frauduleux intervient le plus souvent après l’enregistrement du signe, à l’initiative de celui qui subit un grief du fait de cet enregistrement. Désormais, la mauvaise foi du déposant pourra lui être opposée avant tout enregistrement de la marque.

De plus, le refus d’enregistrement d’une marque pourra être fondé sur plusieurs droits antérieurs qui pourront être cumulativement invoqués dans le cadre d’une procédure d’opposition.

 

2) Quels sont les nouveaux risques pour les titulaires de perdre leur droit sur une marque ?

Le projet d’ordonnance de transposition prévoit diverses innovations procédurales et matérielles, qui augmentent le risque pour les déposants ou titulaires de voir annuler leur demande ou leur droit de marque.

  • Ainsi, la procédure d’opposition à l’encontre d’une marque française tend à se rapprocher de la procédure existant devant l’Office européen (EUIPO).

En cas d’atteinte à un droit antérieur, une simple déclaration d’opposition, contenant uniquement l’identité des parties et la marque en cause, peut être effectuée auprès du directeur de l’INPI dans un délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement. L’opposant dispose ensuite d’un délai supplémentaire d’un mois pour fournir l’exposé des moyens et les preuves sur lesquels il fonde son opposition. Les articles L. 712-4 et R. 712-4 du CPI seront ainsi modifiés en ce sens.

  • Le projet de transposition modifie également largement les caractéristiques matérielles et procédurales de l’action en nullité.

Un point fondamental consiste en l’affirmation du caractère imprescriptible de l’action en nullité (nouvel article L. 716-2-6 du CPI), sauf pour les actions fondées sur une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris. En ce sens, le risque pour le titulaire de se voir assigner en nullité de son droit de marque est considérable.

En outre, l’action en nullité, ainsi que l’action en déchéance de marque, sont simplifiées par l’instauration d’une procédure administrative devant l’INPI (nouvel article L.716-5 CPI). Ainsi, hormis dans le cas où un contentieux serait déjà en cours entre les parties (le juge demeure alors compétent), les actions en nullité et les actions en déchéance formées à titre principal relèveront désormais de la compétence exclusive de l’INPI. Les actions formées à titre reconventionnel demeurent de la compétence exclusive des tribunaux de grande instance. Cette nouvelle procédure est attendue au cours du premier trimestre 2020.

Ces modifications du droit des marques entraînent de nouveaux risques pour les déposants et titulaires de droit de marque. Toutefois, le projet de transposition offre également aux titulaires de nouveaux moyens de défense.

 

3) Quels sont les nouveaux moyens de défense à la disposition des titulaires de marques ?

  • Concernant l’action en nullité de marque à l’initiative d’un titulaire de marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans, le projet permet au titulaire de la marque postérieure de se défendre en invoquant l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période de cinq ans précédant la demande en nullité (nouvel article L.716-2-3 du CPI).

Si la marque antérieure a été enregistrée depuis plus de cinq ans à compter de la date de dépôt (ou de priorité) de la marque postérieure, le titulaire de la marque antérieure doit également démontrer l’usage sérieux durant la période de cinq ans précédant la date de dépôt (ou de priorité) de la marque postérieure.

L’absence d’usage sérieux devient ainsi un moyen de défense dans une action en nullité, au même titre que dans une action en contrefaçon.

  • Concernant l’action en déchéance pour défaut d’exploitation, il est rappelé que l’absence d’usage d’une marque doit durer pendant une période ininterrompue de cinq ans pour être un motif de déchéance. Le projet de transposition clarifie le point de départ de ce délai : le délai de cinq ans court, au plus tôt, à compter de la date de publication de l’enregistrement de la marque. Le demandeur à l’action en déchéance ne pourra donc pas, par exemple, invoquer l’absence d’usage de la marque entre la date de dépôt et la publication.
  • En matière d’action en contrefaçon, le projet de transposition précise également expressément le point de départ du délai de prescription de l’action en contrefaçon : le délai de prescription de cinq ans court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant d’exercer l’action.

Les titulaires de droit pourront donc bénéficier d’un délai de prescription qui ne commence qu’au dernier fait lui ayant permis de connaître l’existence des agissements contrefaisants.

  • Par ailleurs, la protection de la marque française renommée est considérablement améliorée. En effet, il est prévu que l’usurpation d’une marque nationale renommée constitue une atteinte au droit des marques (alors qu’auparavant, l’atteinte à une telle marque était sanctionnée sous le prisme de la responsabilité civile délictuelle). Ainsi, le titulaire d’une marque renommée pourra désormais bénéficier de l’action en contrefaçon. Il pourra également former une opposition ou agir en nullité à l’encontre d’une marque postérieure identique ou similaire désignant des produits ou services différents.

 

En conclusion…

Cette réforme est la plus importante de notre droit national des marques depuis de nombreuses années. L’ensemble du droit des marques est concerné, tant le droit matériel que procédural. Si les modifications prévues par cette réforme peuvent ouvrir de nouvelles opportunités aux déposants et titulaires de marque, les risques de perte de leurs droits sont également élargis. Les entreprises françaises devront donc nécessairement s’adapter et mettre en place de nouvelles stratégies.

 


Pour aller plus loin, l’IEEPI et Laurence Dreyfuss-Bechmann vous proposent les formations :

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