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Make America Great Again, Yes We Can, En Marche ! Quand la politique rencontre le droit des marques

Publié le lundi 18 novembre 2024
Make America Great Again - Droit des Marques

Make America Great Again – Droit des Marques

À l’heure où les campagnes électorales se déroulent désormais sur fond de marketing intense et d’innovations en communication, les slogans politiques dépassent largement leur simple fonction de persuasion. Donald Trump, fraîchement réélu 47ème président des Etats-Unis, en est un parfait exemple.

« Make America Great Again » (ou MAGA pour les intimes) est devenu bien plus qu’une phrase choc : c’est une marque déposée, génératrice de millions de dollars.

Mais Trump n’est pas le seul à jouer cette carte. Entre slogans protégés et produits dérivés, nous plongeons dans l’univers fascinant où politique et propriété intellectuelle se croisent.

 

MAGA : une marque déposée au service d’une campagne

Le slogan « Make America Great Again » est entré dans l’histoire mondiale en même temps que Donald Trump. Ce n’est pas seulement un cri de ralliement pour ses partisans ; c’est une marque, déposée par Trump en novembre 2012 auprès de l’Office américain des brevets et des marques de commerce (USPTO), bien avant sa candidature en 2016.

Cette démarche lui confère ainsi des droits exclusifs sur l’utilisation commerciale du slogan, notamment pour la vente de casquettes, t-shirts et autres goodies qui ont envahi les rues et les réseaux sociaux.

D’un point de vue financier, l’impact est massif : des millions de casquettes rouges ont été vendues aux États-Unis, et à 40 dollars pièce en moyenne, le MAGA n’a pas seulement servi d’outil de communication, mais a aussi permis de financer une partie des campagnes électorales de Trump. Ainsi, la marque MAGA a rapporté des millions de dollars, ajoutant une dimension de merchandising à une campagne politique.

Parallèlement à cela, Donald Trump n’a pas déposé le slogan « America First » en tant que marque avant ou pendant sa présidence. Ce slogan, utilisé lors de sa campagne de 2016 pour refléter une politique étrangère axée sur les intérêts nationaux, n’a pas fait l’objet d’un enregistrement officiel en tant que marque par Trump ou son équipe de campagne. Contrairement à « Make America Great Again » (MAGA), qui a donc été déposé en 2012, « America First » est resté un slogan politique sans protection juridique spécifique.

 

La protection des slogans : une pratique de plus en plus courante

Si l’initiative de Trump paraît novatrice, il n’est pas le seul à avoir tenté l’aventure. En France, l’ancien président Nicolas Sarkozy avait, en 2007, protégé son slogan « Ensemble, tout devient possible ». Emmanuel Macron a fait de même avec le nom de son mouvement « En Marche ! » en 2017.

Cet enregistrement permet à leurs équipes de contrôler l’utilisation de ces mots et de leurs déclinaisons, qu’il s’agisse de goodies ou de contenu publicitaire.

Cependant, protéger un slogan n’est pas une pratique courante pour tous les politiciens. Barack Obama, par exemple, n’a jamais déposé son emblématique « Yes We Can ». Plusieurs tentatives de dépôt ont été faites par des tiers, mais elles ont souvent échoué, faute de lien direct avec la campagne officielle. Ce choix montre une certaine différence culturelle : alors que les Américains ont tendance à voir dans les slogans des opportunités commerciales, les Européens semblent davantage réservés quant à la marchandisation de leurs messages politiques.

 

Quand la politique prend des airs de marketing de masse

Le dépôt de marque de slogans politiques révèle une évolution de la communication de campagne, qui tend à se rapprocher de plus en plus des stratégies de marque.

En rendant leurs slogans aussi reconnaissables que des logos de grandes entreprises, les candidats utilisent des stratégies de branding pour fidéliser leurs électeurs, qui deviennent, par ricochet, des « clients ».

En parallèle, la vente de produits dérivés permet de monétiser cette fidélité et de rentabiliser la popularité d’un slogan. En effet, un logo ou un slogan protégé ouvre la voie à une exploitation commerciale sans précédent. Avec « Make America Great Again », Donald Trump a bien compris qu’un simple slogan pouvait devenir une marque, au sens propre comme au sens figuré. La protection juridique de cette phrase lui permet de contrôler son utilisation et d’éviter que des contrefacteurs ne profitent de sa popularité sans contribuer aux efforts de la campagne.

 

Les contrefaçons : un risque bien réel pour les slogans emblématiques

Un slogan aussi emblématique que « MAGA » attire inévitablement les contrefacteurs. En effet, au cours des dernières campagnes, plusieurs casquettes et t-shirts contrefaits ont été saisis par les autorités américaines. Certains tentaient de surfer sur la vague « MAGA » en créant des déclinaisons qui, sans reproduire exactement le slogan, cherchaient à en évoquer l’esprit.

Mais avec sa marque déposée, Donald Trump a le droit de s’attaquer aux copies et d’interdire la vente de produits non autorisés. Les bénéfices de cette protection sont doubles : ils empêchent des concurrents indélicats de tirer profit de la marque et assurent aux supporters d’acheter un produit officiel et identitaire de la campagne.

En France, les contrefaçons de slogans politiques sont plus rares, la pratique du dépôt de marque en la matière étant moins répandue. Mais des initiatives récentes pourraient changer la donne : face à la médiatisation croissante des campagnes, les équipes de communication pourraient se montrer plus vigilantes et adopter des pratiques similaires pour protéger l’image de leurs candidats.

 

L’avenir : vers une fusion totale entre marketing et politique ?

En déposant leurs slogans et en les utilisant comme marques commerciales, les hommes politiques semblent vouloir rapprocher la politique de l’univers des marques. Cette stratégie soulève plusieurs questions : sommes-nous à l’aube d’une fusion totale entre le monde du marketing et celui de la politique ? Les campagnes de demain seront-elles construites comme des campagnes de publicité ? Peut-on imaginer que les électeurs se transforment progressivement en consommateurs de slogans et d’idéologies prêtes à être vendues ?

La campagne présidentielle américaine de 2024 a été marquée par une utilisation intensive et sophistiquée des publicités politiques, tant par les républicains que les démocrates. Ces stratégies contrastent fortement avec les approches plus traditionnelles observées en France, où les professions de foi filmées sur fond vert restent sobrement la norme et où les budgets publicitaires demeurent strictement encadrés.

Ce phénomène n’est peut-être que le début d’un mouvement plus vaste, où la propriété intellectuelle pourrait jouer un rôle clé. En fin de compte, la protection des slogans politiques par le droit des marques tend à nous montrer que la politique moderne s’approprie progressivement les codes du marketing.

Avec des slogans protégés et des produits dérivés en abondance, il semblerait que les électeurs soient invités à choisir non seulement un candidat, mais une véritable « expérience de marque ».

La casquette rouge « MAGA » est bien plus qu’un accessoire vendu à des millions d’exemplaires : c’est un objet-symbole, porteur d’un message ultra-marketé qui a su capturer une forme d’aspiration collective pour un projet « désirable ».

Et, comme le disait Jules César :

Les hommes croient volontiers ce qu’ils désirent.

 

Rédaction : Anne Grouselle (IEEPI)
Illustration : Licence CC

IEEPI