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Système de protection des dessins et modèles : une révision en profondeur – Paroles d’experts

Publié le lundi 22 mai 2023
Système de protection des dessins et modèles. L’effort des pouvoirs publics pour sensibiliser les entreprises à la protection de leur innovation.

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Laurence Dreyfuss-Bechmann vous proposent les formations :


 

Paroles d’experts : Laurence Dreyfuss-Bechmann et Charles Suire.

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Laurence Dreyfuss-Bechmann, Avocate et Directrice associée ainsi que Charles Suire, Avocat, tous les deux du Département Économique-pôle Propriété intellectuelle/ Numérique Tech et Données du cabinet FIDAL avocats.

Ils nous proposent une analyse sur :
« La révision en profondeur du système de protection des dessins et modèles »

 

Pourquoi l’annonce d’une révision en profondeur du système de protection des dessins et modèles est-elle une bonne nouvelle ?

Avec une législation vieille de plus de deux décennies, le monde des dessins et modèles apparaissait comme le parent pauvre des droits de propriété intellectuelle et souffrant, notamment en France, d’un intérêt mal compris, éclipsé par les réformes significatives des brevets (par la loi PACTE), des marques (par l’importante transposition nationale du Paquet marques), et du droit d’auteur (rajeuni par l’ambitieuse réforme de 2019, adaptée dans notre droit en 2021).

La publication de deux avant-projets des textes de modernisation de la Directive n° 98/71 du 13 octobre 1998 et du Règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001, à la fin de l’année 2022 par la Commission européenne doit être saluée à plus d’un titre. D’une part, elle complète l’effort de rationalisation et d’harmonisation des régimes des titres de propriété intellectuelle et, d’autre part, elle intervient dans un cadre particulièrement attentifs des attentes des opérateurs économiques au sein de l’Union européenne. Ces ébauches sont le fruit de plusieurs consultations publiques diligentées entre 2018 et 2019, puis 2021. Cette approche pragmatique permet d’entrevoir l’implémentation dans le futur droit applicable des solutions bien isolées par la jurisprudence de la Cour de justice, mais également l’intégration dans ce régime des nouveaux enjeux soulevés par la circulation accrue des informations et données et des changements significatifs de l’environnement numérique.

Cette réforme sera incitative pour les entreprises européennes mais également pour les entreprises non européennes sur le marché européen…

 

La réforme des dessins et modèles est-elle aussi ambitieuse que celle du Paquet Marque ?

Le succès incontesté du système de droit des marques a abouti à un durcissement de certaines conditions de la protection accordée aux titulaires (notamment quant à la démonstration de l’usage sérieux) afin de « libérer les registres », ainsi qu’à une extension de la liste des actes de contrefaçon tels que, par exemple, l’intégration du transit de marchandises. Or, la notoriété plus modeste du système des dessins et modèles et la réserve des PME européennes pour cet outil inscrivent ce travail de réforme dans une perspective autre : celle de la promotion et de la simplification de l’accès à cette protection spécifique.

Cet objectif devrait être atteint à plus d’un titre, tant à propos des dessins et modèles nationaux qu’européens, pour lesquels la dénomination obsolète « dessins et modèles communautaires » sera remplacée par celle de « dessins et modèles de l’Union européenne ».

D’emblée, l’on note que le champ d’application se trouve facilité d’un point de vue conceptuel, par un véritable effort de refonte de la définition des dessins et modèles. D’une part, la définition du dessin et modèle est complétée par plusieurs éléments : l’apparence protégeable d’un dessin ou modèle s’entend certes des lignes, contours, couleurs ou matériaux d’un produit, mais également désormais de sa « décoration », ou encore du « mouvement », des « transitions » ou « tout autre type d’animation de ces caractéristiques ». La Commission ouvre ainsi la voie au dépôt de titres animés permettant de protéger de façon plus concrète un produit comprenant plusieurs étapes, positions ou pièces distinctes. Notons que la définition du « produit » susceptible d’être protégé à titre de dessin ou modèle se complète des « formes numériques », des « emballages » et, plus singulièrement des « interfaces d’utilisateur graphiques » ou encore de la présentation et la disposition dans l’espace des éléments destinés à former, en particulier, un environnement intérieur. Le texte prend ainsi acte d’une jurisprudence propice à la protection d’une disposition originale de points de vente physiques. D’autre part, cette philosophie favorable à la protection des déposants s’illustre dans le monopole qui leur est accordé. Dans cette logique, le cumul de protection avec le droit d’auteur, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, est pleinement réaffirmé. Environnement numérique oblige, seront également interdits l’ensemble des actes successifs permettant la reproduction d’un dessin et modèle au moyen d’une technologie d’impression 3D. Autrement dit, le titulaire pourra non seulement rechercher la responsabilité de « l’imprimeur » au bout de la chaîne, mais également de toute personne qui aurait créé, téléchargé ou partagé le fichier contenant le dessin ou modèle protégé pour sa reproduction illicite. D’un point de vue contentieux, les projets de Directive et de Règlement confirment une présomption de titularité des droits au profit de la personne qui dépose le titre.

En pratique, les avancées envisagées par le projet apportent une simplification tout à fait opportune du procédé de dépôt de dessins et modèles, puisqu’il sera bientôt possible aux déposants de déposer (en ligne), en une seule demande, de multiples dessins et modèles qui ne relèveraient pas de la même classe dans la classification internationale de Locarno.

 

Le coût de protection des dessins et modèles va-t-il augmenter ?

Dans la même logique que la réforme du droit des marques, la Commission européenne entend réviser les coûts de dépôt et de renouvellement des titres selon deux objectifs : favoriser l’accès à la protection par la propriété intellectuelle tout en préservant l’intégrité des registres pour éviter la multiplication de titres non exploités. C’est pourquoi, s’agissant des futurs dessins et modèles de l’Union européenne, la proposition de réforme envisage d’abaisser le coût au moment du dépôt (passant de 350 euros avec la taxe de publication actuellement à 230 euros), puis de la première période de renouvellement, c’est-à-dire entre 5 ans et 10 ans (passant de 90 euros à 70 euros). En revanche, les frais progresseraient pour la dernière période, de 20 à 25 ans (passant de 180 euros actuellement à 560 euros dans le futur). Relevons également une sensible diminution des taxes en matière contentieuse : la taxe de demande en nullité devrait chuter de 20 euros (passant de 350 euros à 320 euros), tandis que la taxe d’introduction d’un recours contre une décision rendue par l’EUIPO diminuerait de 80 euros (passant ainsi de 800 euros à 720 euros).

Ainsi, la volonté exprimée par le législateur européen s’annonce pertinente et propose un équilibre intéressant entre protection d’un nouveau projet au cours des premières années d’exploitation et incitation à renoncer à la protection sur des titres délaissés ou peu rentables.

 

Ces deux projets contiennent-ils des règles plus innovantes pour les déposants français ?

Les titulaires de droits français peuvent d’ores et déjà anticiper une possible inconformité de notre législation quant à la récente introduction d’une « clause de réparation » concernant certaines pièces automobiles liées à l’optique, aux vitrages et rétroviseurs, par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « climat et résilience ». En l’état actuel du travail de rédaction des futurs instruments européens, l’on constate que la clause de réparation, naguère optionnelle, devient obligatoire par souci d’uniformité, mais surtout comprend un champ d’application beaucoup plus large que la voie législative empruntée par la France. Alors que la clause de réparation décidée par la France se borne à limiter le monopole sur des dessins et modèles en matière automobile, la proposition européenne ne distingue pas selon le secteur industriel, mais s’étend à toute « pièce d’un produit complexe dont l’apparence conditionne le dessin ou modèle de ladite pièce ». Si cette logique devait être confirmée par les travaux ultérieurs, il reviendrait au législateur français d’abroger le dispositif actuel. Une telle démarche ne serait pas sans quelque hésitations, puisque la loi française visait non seulement les dessins et modèles, mais également le droit d’auteur sur ces pièces de rechange, et surtout que les pièces autres que d’optique et de vitrage (notamment de carrosserie) demeurent protégées actuellement pour une durée de 10 ans.

Les déposants français seront peut-être étonnés de nouvelles limitations au périmètre de protection, puisque les projets envisagent d’exempter les actes accomplis « à titre de référence » et à des fins de « commentaire, de critique ou de parodie ». Inspirées, pour la première, par le droit des marques, et, pour la seconde, par le droit d’auteur, elles témoignent d’une considération plus générale de la prise en compte des intérêts légitimes des tiers, dont notamment des opérateurs agissant sur un marché secondaire pour proposer des pièces détachées, mais également de la liberté d’expression que les institutions européennes entendent préserver selon une méthode déjà éprouvée de mise en balance des intérêts en cause.

Ces deux volets susceptibles d’apporter des nuances dans l’exercice du monopole conféré par le dépôt ne doivent pas occulter d’autres innovations plus audacieuses, comme cette transposition au monde des dessins et modèles d’une pratique issue du droit américain du Copyright (qui utilise le symbole ©), consistant à permettre aux titulaires de reproduire leur titre avec une lettre D entourée d’un cercle pour « signaler au public que ledit dessin ou modèle est enregistré », en ajoutant, le cas échéant, le numéro d’enregistrement ou un lien hypertexte vers l’entrée du registre tenu par l’office.

Terminons par une avancée attendue des praticiens : l’instauration d’une procédure nationale d’annulation des titres obligatoire devant les offices de propriété intellectuelle de chaque pays. Le succès de ces procédures en matière de marque, qui permettent d’obtenir une décision rapide à un coût inférieur à celui d’une action en justice nous semble pleinement justifier cette solution pragmatique. Si le texte devait être adopté en l’état, les États membres disposeraient tout de même d’une option consistant à rendre la compétence de l’office exclusive ou simplement concurrente à celle du juge. Nous pouvons penser qu’en France, à l’instar du droit des marques, seules les demandes reconventionnelles et non principales, resteront de la compétence des tribunaux. Une autre excellente raison de suivre l’avancée des débats sur cette réforme européenne.

 


Pour aller plus loin, l’IEEPI et Laurence Dreyfuss-Bechmann vous proposent les formations :

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