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Droit de suite : déposséder un créateur, gratuitement

Publié le lundi 17 septembre 2012

Droit de suite : déposséder un créateur, gratuitement

Une proposition de loi passée quasiment inaperçue pour le moment s’apprête à révolutionner le droit d’auteur. Le député UMP Daniel Fasquelle a fait enregistrer ce 12 septembre une proposition originale, « visant à permettre à l’auteur de céder son droit de suite en matière de propriété intellectuelle ». Une législation qui intéressera fortement les peintres, sculpteurs et dessinateurs, et l’avenir de leurs oeuvres.

Le droit de suite, défini comme suit dans le Code de la propriété intellectuelle à l’article L. 122-8 remonte à 1920.

Le code de la propriété intellectuelle définit le droit de suite reconnu aux auteurs d’œuvres plastiques et graphiques comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit » (CPI, art. L. 122-8).

Le droit de suite repose sur une logique différente de celle des droits de reproduction et représentation puisqu’il ne consiste pas en un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire, mais dans le droit inaliénable de percevoir un pourcentage sur le produit de toute vente d’une œuvre graphique ou plastique après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit.

Pour faire simple, c’est une règle fiscale qui permet au créateur d’une part d’être protégé en percevant un revenu, sous la forme d’un pourcentage, des cessions de son oeuvre qui auront lieu – quelle que soit la vente, tant qu’elle est réalisée par un professionnel du marché. Et en tant que droit inaliénable, il est impossible de le céder – et moins encore de le vendre -, pour le créateur de son vivant ou, post-mortem, par ses héritiers, à des tiers.

Dans son exposé des motifs, le député explique cependant :

La présente proposition de loi vise à assouplir cette inaliénabilité du droit de suite en permettant sa cession tout en l’entourant de trois limites : la cession du droit de suite ne pourrait avoir lieu qu’à titre gratuit, la durée de ce droit de suite cédé serait limitée à soixante-dix ans après le décès de l’auteur, celui qui a reçu le droit de suite ne pourrait le céder à son tour.

Cette évolution législative permettrait au droit français de trouver un meilleur équilibre entre protection et liberté de l’auteur.

En somme, supprimer la qualité « inaliénable » du droit de suite, d’un côté, et surtout de contraindre le créateur à le céder gracieusement. Difficile de comprendre ce que l’on peut trouver d’équilibré à cette proposition de loi, voire de considérer cette approche comme « un meilleur équilibre ». C’est que l’auteur se retrouverait tout simplement dépossédé d’une protection qui entourait son oeuvre, tout simplement.
Yal Ayerdhal, porte-parole du collectif Le droit du Serf, est d’ores et déjà monté au créneau : « Cela ne concerne que les œuvres d’art graphique et plastique, mais il est important de relayer l’information et de noter la persistance ou l’insistance du législateur à faire perdurer le droit d’auteur, donc l’exploitation commerciale de l’œuvre, 70 ans après la mort de celui-ci. Tout ceci est inquiétant quant à la vocation du droit d’auteur à protéger l’auteur. »

Évidemment, l’inaliénabilité empêche, par exemple, de céder le droit de suite par testament. A ce titre, le droit de suite revient systématiquement aux héritiers naturels du créateur.

Une distorsion de concurrence

Le petit monde des enchères, en première ligne pour ces questions, ne se presse pas pour répondre. C’est que l’on s’attend à ce qu’une fondation X ou Y soit derrière une telle proposition de loi, surtout qu’entre temps une Question Prioritaire de Constitutionnalité est en cours d’examen sur le sujet. Et qu’à ce titre, il serait bon de sensibiliser les auteurs sur la nécessité de travailler à la conservation de leur droit. Pour l’instant, la proposition de loi n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour, mais un travail sérieux commencera lorsque ce sera le cas.

En maison d’enchères, on ne retient qu’une seule chose : d’abord, c’est un député UMP qui porte cette proposition, et n’étant pas de la majorité, elle ne passera pas. « Cela aurait dû être fait sous Sarkozy », nous explique un commissaire. Mais loin du droit des auteurs, on considère surtout que la législation française actuelle doit être revue.

« Il existe une réelle distorsion de concurrence, et sérieusement déloyale, entre l’Angleterre et le reste de l’Europe, sur la question du droit de suite. En effet, pour un créateur britannique, il n’existe plus de droit de suite après la mort. Il faudrait réellement que l’on fasse évoluer la législation pour rattraper le retard que l’on a dans ce domaine », nous précise-t-on.

Il existe pourtant une directive européenne, sur le Droit de suite, mais elle est restée aux oubliettes… On pourra toutefois la consulter à cette adresse.

Passage en catimini d’une nouvelle exception ?

Sollicité par ActuaLitté, le député Fasquelle n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, ni exposer les raisons qui ont entraîné à cette proposition de loi. N’impliquerait-elle pas une pure et simple suppression de la protection dont jouissait l’auteur ? C’est que ce dernier aurait tôt fait, avec une pareille législation, de se retrouver mis à nu, et privé des revenus qu’il perçoit – en l’occurrence, 4 % au-delà  de 5000 €.

Mieux : le risque n’est-il pas de voir poindre des contrats qui contraindraient le créateur à céder à l’exploitant ou l’éditeur, dans le cas de dessinateurs, ledit droit de suite ? Et comment ne pas prendre en compte les risques, évidents, de voir une nouvelle génération de contrats pour des auteurs, qui ne gagneraient alors pas même un centime en cédant leur Droit de suite – la loi les réduisant à offrir ledit Droit.? Autant de questions qui resteront sans réponses, pour l’instant.

Et qui amènent à se demander qui bien qui a pu pousser le député à concevoir – pour ne pas dire commander –  cette proposition de loi…
Sources : Actualitté

 

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