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« Le brevet unique sera 70 % moins cher »

Publié le mardi 5 juin 2012

« Le brevet unique sera 70 % moins cher »

Un accord sur le brevet unitaire doit intervenir lors du prochain Conseil européen des 28 et 29 juin. Il sera délivré par l’Office européen des brevets (OEB), présidé depuis deux ans par Benoît Battistelli, qui explique ici en exclusivité les tenants et les aboutissants pour les entreprises, en particulier les PME.

Après trente ans de discussions interminables entre les pays membres, le brevet unitaire est enfin sur le point d’aboutir. En quoi va-t-il changer la donne en matière de propriété industrielle en Europe ?

Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années sur le dossier du brevet unitaire de l’Union européenne, qui est effectivement un serpent de mer. A ce jour, 25 Etats membres ont décidé d’appliquer le système de la coopération renforcée pour surmonter l’opposition de deux pays [l’Italie et l’Espagne, NDLR]. C’est le signe d’une volonté politique forte. Je rappelle qu’il s’agira d’un brevet européen délivré par l’Office européen des brevets (OEB) avec toutes les garanties de qualité reconnues. Sur le plan pratique, il n’y aura aucune distinction avec le brevet européen actuel jusqu’à la délivrance.

A ce stade, le titulaire du brevet aura le choix de continuer suivant la procédure en vigueur, qui nécessite de faire des démarches dans chaque Etat membre où il souhaite protéger son invention, ou de faire auprès de l’OEB une seule demande de brevet unitaire pour la protéger automatiquement dans les 25 Etats signataires de l’accord. Les deux systèmes vont donc coexister.

Je pense qu’il faut que nous laissions le choix aux entreprises, car les besoins de protection en termes de couverture géographique ne sont pas les mêmes d’un secteur industriel à l’autre. On évaluera la situation cinq ans après la création du brevet unitaire pour voir comment le marché a réagi.
La localisation de la future juridiction européenne est-elle le dernier point de discorde ?

C’est une question d’ordre politique. Pour l’instant, il y a un accord sur la base juridique, ce sera un traité entre Etats membres qui définira les grandes caractéristiques de cette juridiction, comme l’équilibre entre proximité et compétences, etc. Il reste effectivement un seul point à régler, celui de la localisation du siège de cette juridiction, plus précisément de la division centrale en première instance et de la cour d’appel en deuxième instance. Plusieurs capitales se sont portées candidates, en particulier Paris et Munich. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés, lors d’un sommet à Bruxelles fin janvier, à prendre une décision d’ici à la fin juin. L’ensemble du processus pourra alors être enclenché.
Après l’accord définitif, combien de temps s’écoulera encore avant la délivrance du premier brevet unitaire ?

Pour créer cette juridiction européenne compétente en matière de brevets, il faut d’abord procéder à la signature de ce traité entre les Etats membres concernés, donc organiser une conférence diplomatique et ensuite un processus de ratification qui devrait prendre plusieurs années. Si tout va bien, le premier brevet unitaire pourrait être délivré d’ici deux à trois ans, ce qui peut paraître encore long. Mais c’est la réalité et je crois qu’il faut la regarder en face. Je suis optimiste sur cette avancée qui améliorera sensiblement le système européen des brevets.
Le brevet unique sera-t-il un bouclier efficace pour défendre la capacité d’innovation des entreprises européennes face à l’offensive asiatique ?

Actuellement, plus de 60 % des demandes de brevets européens proviennent de pays non européens, le premier étant les Etats-Unis (24 % du total), suivi du Japon qui devance l’Allemagne. Nous avons effectivement observé une forte progression de la Chine de plus de 50 % en deux ans, qui est désormais le quatrième plus grand déposant de brevets européens, devant la Corée et la France. Ces chiffres montrent bien que l’OEB est un acteur mondial, dont l’influence sera encore renforcée avec la mise en place du brevet unitaire qui garantira une meilleure protection à un coût moindre.

Avec ce nouveau titre, nous espérons inciter davantage de PME et de laboratoires publics à protéger leurs innovations en Europe. Il nous faut les convaincre que la propriété industrielle est un investissement prioritaire pour garder une longueur d’avance technologique sur la concurrence mondiale.
Sera-t-il beaucoup plus accessible que le brevet actuel, dont le coût moyen est évalué à 26.000 euros pour une protection dans 6 pays européens sur dix ans ?

Dans le coût actuel d’un brevet européen, une part importante est encore liée aux traductions. Nous avons calculé que, pour une PME détentrice d’un brevet européen et choisissant de protéger son innovation dans les 25 pays membres de la coopération renforcée, le coût administratif et financier sera réduit de 70 % par rapport à la procédure en cours l’obligeant à faire les mêmes démarches dans 25 pays différents. Voilà ce que l’on peut indiquer aujourd’hui.

Mais le point crucial, qui n’est pas déterminé et fait encore l’objet de discussions, est le niveau tarifaire des annuités de renouvellement du brevet unitaire. Il ne faut pas qu’il soit trop élevé pour être véritablement accessible aux PME et aux centres de recherche.

En même temps, nous devons couvrir les frais que génère cette activité à l’OEB. Je rappelle que notre organisation s’autofinance entièrement et ne peut donc pas fonctionner à perte. Nous devons également veiller à ce que les offices nationaux de nos Etats membres ne participant pas au nouveau système ne soient pas pénalisés par la mise en place du brevet unitaire.
L’OEB a multiplié les initiatives pour aplanir les difficultés linguistiques liées à la mise en place de cet outil de protection unique. Tous les problèmes sont-ils réglés ?

La question linguistique a toujours été essentielle dans ces négociations sur le brevet unitaire. Le choix arrêté est de s’appuyer sur le système actuel de l’Office européen des brevets, dont les trois langues officielles de travail sont l’allemand, l’anglais et le français.

Parallèlement se pose aussi la question plus large de l’accès aux informations sur tous les brevets délivrés dans le monde. Pour surmonter cette barrière linguistique qui devient de plus en plus importante à l’échelle mondiale, l’OEB a développé des systèmes de traduction automatique. Dans ce cadre, nous avons passé un accord de partenariat avec Google qui porte sur 28 langues pratiquées dans les Etats membres de l’OEB, ainsi que sur le chinois, le japonais, le coréen et le russe.

L’idée est de constituer ce que nous appelons des paires linguistiques, par exemple anglais-chinois, allemand-russe, français-polonais, pour que le logiciel développé par Google s’appuie sur une base de données linguistiques riche et précise, afin d’obtenir la meilleure traduction possible. Or, dans le domaine des brevets, nous avons la chance de disposer de milliers de pages traduites par des personnes hautement qualifiées, qui décrivent les brevets antérieurs publiés dans le monde entier.

Nous proposons ce service en accès libre et gratuit sur notre site Espacenet. Depuis le 29 février dernier, sept langues sont disponibles (anglais, allemand, français, espagnol, italien, portugais et suédois). Tout un chacun pourra utiliser ce système pour traduire facilement un texte décrivant un brevet. Soyons clairs, ces traductions n’ont pas de valeur juridique. C’est simplement un moyen de repérer dans la masse considérable d’informations disponibles les documents les plus pertinents pour la recherche d’antériorité nécessaire avant tout dépôt de brevet et pour effectuer la veille concurrentielle et technologique, qui est de plus en plus indispensable dans l’économie globalisée.
Ce système de traduction automatique facilitera-t-il l’accès des PME à la protection industrielle ?

Je pense que ce système apportera un progrès considérable qui va évidemment faciliter l’accès au brevet unitaire pour les PME européennes. Par exemple, une société polonaise, suédoise ou italienne va pouvoir accéder à cette information dans sa propre langue sans avoir besoin de maîtriser l’anglais, le français ou l’allemand. Mais, plus important encore sera l’accès à l’ensemble des informations disponibles dans le monde. C’est pourquoi nous avons signé, en décembre dernier, un accord avec l’office chinois des brevets pour mettre en oeuvre un système de traduction automatique entre le chinois et les trois langues de travail de l’OEB. Nous avons fait de même avec notre homologue japonais en février 2012, puis russe le 15 mai. Nous sommes également en discussion très avancée avec les Coréens. Fin 2014, nous serons en mesure de proposer, gratuitement je le répète, ces mécanismes de traduction dans 32 langues différentes.
Propos recueillis par Chantal Houzelle, Les Echos

Sources : lesechos.fr

 

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